La poésie a encore du chemin à faire

Publié le par Rémi

Dimanche 21 décembre.

Au détour de mes écoutes radiophoniques dominicales, je tombe ce matin sur la fin du 7/9 de France Inter. Chaque week-end, cette émission se propose d'aborder une thématique, une question, à travers l'accueil de plusieurs invités le samedi puis le dimanche. Une des invités du jour, sociologue de son état, aborde l'homoparentalité. Mais en tendant l'oreille, je comprends que son intervention s'inscrit dans le champ plus large de la naissance, le thème retenu de l'émission étant : donner la vie, pour quoi faire ? Et la dernière intervention revient à un pédiatre qui félicite les animateurs d'avoir abordé la veille, avec René Frydman, le problème de la surmédicalisation.

Ni une, ni deux, je saute sur mon clavier pour profiter des avantages des nouvelles technologies. Je me rends sur le site de France Inter, je localise la page du 7/9 et je m'abonne illico au podcast de l'émission. Quelques minutes plus tard, le téléchargement est terminé et je peux écouter ce que le médecin à l'origine du premier bébé éprouvette a à dire sur la surmédicalisation de l'accouchement.

Écoutez un extrait de l'intervention du Dr Frydman 


Mon sentiment est mi-figue mi-raisin. Le positif d'abord : ça fait du bien d'entendre un obstétricien parler de désir, de la poésie de la grossesse et de l'accouchement. Au-delà des mots, on sent dans le ton du Dr Frydman beaucoup de respect pour la naissance en tant que phénomène physiologique et profondément naturel. D'ailleurs, il la hisse au rang de "patrimoine mondial de l'Humanité". C'est une évidence, mais ça fait du bien de l'entendre, surtout de la part d'un médecin.

Alors quand il ajoute qu'il faut entendre celles et ceux qui demande légitimement qu'une place beaucoup plus grande soit accordée aux émotions dans le suivi de la grossesse et l'accouchement, j'applaudis des deux mains. Eh oui : nous, pères et mères, nous sommes des êtres sensibles capables d'éprouver des sentiments. Si ça se trouve, il se pourrait même qu'avec les informations nécessaires, nous soyions bien placés pour savoir ce qu'il y a de mieux pour nous.

Mais si ses propos sur la naissance font plaisir à entendre, j'ai aussi le sentiment que René Frydman, à force d'écrire des livres, a un peu perdu pied avec la réalité de la pratique obstétricale en France. D'après lui, beaucoup de médecins et de sages-femmes soutiennent ce mouvent de retour vers l'émotion primordiale de la naissance. Je ne suis sans doute pas le mieux placé pour estimer cette proportion, mais à lire le nombre de femmes qui se plaignent de la façon dont leur accouchement a été déshumanisé (à commencer par ma compagne), je pense qu'il y a encore beaucoup de médecins et de sages-femmes qui ne soutiennent pas ce mouvement. Vous me direz que ça rejoint l'éternelle question du verre à moitié plein ou à moitié vide... sauf que la tendance générale, sur les dernières décennies, n'est pas au remplissage, mais à l'assèchement.

Idem pour la poésie. Selon le Dr Frydman, elle serait absente du discours, trop technique et toujours soucieux de se concentrer sur les statistiques, mais bien présente dans les faits. Si je pense que les femmes enceintes dans leur immense majorité perçoivent sans peine la poésie et la magie qui émanent de ce qu'elles vivent, c'est sans doute moins vrai des gynécologues qui les suivent. Même si, là encore, il conviendrait de ne pas généraliser...

Mais cette déconnexion du terrain n'est peut-être pas aussi forte que je l'ai écrit plus haut. C'est en tout cas ce que laisse penser un petit indice laissé au détour dune phrase par René Frydman. Pour illustrer son propos sur la nécessité de donner aux femmes les informations nécessaires qui leur permettront, en tant qu'individu, de faire leur propres choix, il a choisi d'évoquer les positions de l'accouchement. Faire naître son enfant allongée sur le dos, sous péridurale, ne doit pas être systématique; bien d'autres positions sont possibles. « Encore faut-il être au courant [...] et la femme elle-même choisit... peut choisir en tous les cas... euh, normalement elle doit pouvoir choisir. » Quelle valse hésitation pour en arriver à admettre implicitement que ce choix n'est pas toujours proposé à la future mère !

Le célèbre obstétricien est donc bien conscient qu'il reste du chemin à parcourir, même s'il n'en mesure pas la longueur exacte. Il termine tout de même l'émission sur une bonne note en affirmant qu'il faut sortir des recettes toutes faites. « Appliquer des dogmes c'est simple, réfléchir sur soi-même est plus difficile mais plus enrichissant. » Espérons que bon nombre de ses collègues étaient à l'écoute.

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