Premiers mouvements

Publié le par Rémi

Vendredi 12 décembre.

Cela fait plusieurs semaines maintenant que Gabrielle s'inquiète de ne pas pouvoir entendre le bébé. Régulièrement, elle applique sur son ventre un stéthoscope datant de Mathusalem, mais encore en parfait état de marche, pour tenter de capter le plus petit mouvement, le plus petit battement. En vain.

Pourtant les signes d'activité ne manquent pas. Ce matin encore, ma douce m'a indiqué que la nuit avait été particulièrement "remuante". L'adjectif est assez évocateur pour que je n'ai pas besoin de lui demander de préciser sa pensée. Mais si ces secousses souterraines se font de plus en plus fréquentes au fil des semaines, les ondes de choc n'étaient jusqu'à présent pas parvenues jusqu'à la surface. Pas de manière suffisante en tout cas pour que je puisse les ressentir. Ce n'est pas faute d'avoir essayer de les percevoir; ma main est régulièrement au contact du ventre de Gabrielle, que ce soit moi qui l'y pose ou que ce soit elle qui l'y appose. C'était juste trop tôt...

Mais hier, les choses ont changé, la chance a tourné et l'onde m'a traversé. À peine perceptible au début, j'ai du mal à la distinguer des impulsions de mon sang projeté dans mes doigts. Mais non, ce n'est plus mon sang. Ou plutôt si, c'est bien lui mais ce n'est plus moi. C'est mon sang, mais ce n'est plus dans mes veines que je le sens. Il coule hors de moi et je vibre de la première manifestation sensorielle de cette nouvelle altérité.

Puis c'est le calme plat, bien que l'adjectif ne soit pas vraiment approprié à la géométrie actuelle du bidon de Gabrielle... Plus rien ne bouge dans ce cocon. Mais pas de déception, je sais que les occasions de communion vont se multiplier dorénavant. Ma main quitte doucement la rondeur de  ma compagne pour rejoindre la surface plate de mon ventre. Pour le coup, l'adjectif s'applique parfaitement. Et je ne peux m'empêcher d'éprouver une pointe d'envie à l'égard de ma douce et de sa colline habitée...

Après quelques minutes allongés côte à côte, la main de Gabrielle saisit à nouveau la mienne pour la guider jusqu'à elle. En la posant sur son ventre, elle appuie doucement dessus, comme on le ferait pour laisser une empreinte dans la glaise. Mais ce n'est que pour mieux me faire sentir les mouvements internes de son locataire. Et effectivement, un coup bref et franc atterrit au creux de ma paume. Dernière manifestation de la soirée, et signe indéniable que cet enfant a compris que des présences existent et l'attendent au-delà de son univers primordial.
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