Prénoms pacifiques
Samedi 1er novembre.
C'est La Toussaint. La fête des morts. Mais si un reportage sur France Inter nous rappelle justement qu'il s'agit bien d'une fête au Mexique - avec festivités, célébrations et dérision - rien de tel en France. Point de fête, mais des mines défaites. Des têtes d'enterrement, comme le dit l'expression populaire. Comme si les visages des vivants prenaient ce jour-là un peu d'avance sur le masque grave et le teint cadavérique qu'ils afficheront une fois six pieds sous terre. C'est un moment de recueillement, mais dans la désolation et pas dans l'acceptation et le souvenir joyeux de ce que les morts ont été avant de passer l'arme à gauche. Nous ne sommes pas croyants, pas du moins au sens où les religions l'entendent. Pas question donc pour nous d'afficher une morosité de circonstance. Nous sommes tournés vers la vie, notamment vers celle qui va venir gonfler la nôtre dans quelques mois.
Et pour l'accueillir, il nous faut lui donner un prénom. Cette fois, pas question de rééditer l'expérience de la précédente grossesse. Si Nils s'était rapidement imposé, nos valses hésitations concernant le choix du second prénom nous avaient amené à retenir Ulysse à seulement quelques semaines de l'accouchement. Cette fois, nous avons commencé le "brainstorming" de bonne heure et nos choix se précisent.
Étrangement, les prénoms qui nous viennent à l'esprit depuis que nous cherchons sont presque tous féminins. Ce n'est pas une démarche volontaire de notre part d'exclure le champ masculin des possibles, mais le constat est là : le féminin prend le dessus. Est-ce une traduction involontaire d'un désir ? Ou simplement le résultat d'une intuition partagée ? Difficile à dire, sans doute les deux à la fois.
Mais venons-en au fait. Après que chacun ait proposé des prénoms écartés par l'autre, la liste s'est considérablement réduite. Pour une raison qui reste encore à découvrir, tous les prénoms féminins que nous avions envisagé avant la naissance des jumeaux sont mis de côté. Sur la touche donc Yuna et Lily qui nous avait séduit il y a trois ans. Peut-être est-ce la volonté de bien différencier les deux grossesses et de donner, dès à présent, une histoire bien à elle à cette petite personne en devenir.
Maya et Séléna ont longtemps eu nos faveurs conjointes, mais aujourd'hui Salomé semble tenir la corde fermement. Une petite recherche sur internet nous apprend que ce prénom, grec au départ, est apparenté au "shalom" hébreu qui veut dire "paix" et est devenu au fil des siècles une formule de politesse pour dire bonjour dans cette langue. Évidemment, une Salomé est restée tristement célèbre pour avoir, selon la Bible, demandé et obtenu la tête de Jean-Baptiste sur un plateau. Au moins ne manquait-elle ni de caractère ni d'aplomb...
Après quelques tentatives infructueuses, son pendant masculin vient à l'esprit de Gabrielle : Salem. La première réaction de Rémi est de penser à la ville américaine qui s'est tristement fait connaître pour le sort qu'elle réservait à de soi-disant sorcières. Mais la sonorité est douce et s'accorde finalement très bien avec la signification de ce prénom qui rejoint celle de Salomé. En arabe, il vient du mot "paix" et, par extension, peut être compris comme "combattant de la paix". Il est aussi parfois traduit par "sain".
Sain et pacifique, cela résume assez bien le climat dans lequel nous souhaitons voir nos enfants grandir.